« À Lille, hôpitaux et université marchent ensemble »

Catégories : Développement territorial Institutionnel

Le directeur général du CHU de Lille, Frédéric Boiron, évoque son métier et la richesse du modèle hospitalo-universitaire dans la cité nordiste.

paru le 25/06/2025 - Mise à jour le 01/07/2025 (09:53)

Visage d’un homme de face, visiblement en costume

Frédéric Boiron, le 28 février 2025.

Comment expliqueriez-vous votre métier ?

J'assume une vision très humaniste : notre moteur, c'est l'humain, le soin, la prise en charge de chacun face aux difficultés de son existence. J'ai bien sûr des attributions juridiques, je signe des actes, je valide des recrutements, je lance la construction de bâtiments, etc. Mais si je devais réduire mon métier à son essence, je dirais que je travaille en permanence à la construction d'un consensus.

Car il n'y a pas loin de 230 métiers au CHU de Lille, aux côtés des professionnels de santé − ingénieurs frigoristes, jardiniers, égoutiers, techniciens en sciences nucléaires et même pilotes d'hélicoptère… − et différents hôpitaux avec leurs propres cultures et une forte exigence de haut niveau. Mon métier, c'est d'arriver à sentir les équilibres. C'est de maintenir de la souplesse au sein des règles, à travers une gouvernance partenariale qui implique composantes et services. J'ai ma vision, bien sûr, mais j’évite si possible d’en passer par des décisions trop verticales (excepté pendant la crise Covid).

Comment décrire le couple CHU et université à Lille ?

À Lille, on a une chance énorme, héritée de prédécesseurs visionnaires des années 1950 : nous sommes le seul CHU de cette taille en France à rassembler au même endroit la quasi-intégralité de nos hôpitaux, onze, et les lieux de formation en santé. Dès son ouverture en 1953, l'hôpital Huriez combinait en un même lieu la clinique, la formation et la recherche, et ce modèle « intégré » a fortement influencé la loi sur les CHU cinq ans plus tard. Tout cela est devenu naturel pour nous, mais il y a des pays où ça n'existe pas !

À Lille, le couple université-CHU est le fruit de cet héritage : nos relations sont permanentes et cordiales, ce qui est loin d’être le cas partout. Nous sommes le seul CHU important à gérer en commun, avec l’université, l’Inserm, le CNRS et l’Inria, tous les laboratoires de recherche en santé. Ces liens étroits CHU-université sont reconnus au niveau national : en 2025, Lille a été le premier site en France où CHU et université ont été évalués simultanément par l’Hcéres➊.

Comment fonctionne-t-il ?

Nous prenons nos décisions ensemble, au sein du comité recherche santé et sport (CORS²), ce qui nous permet de sélectionner les bons projets, et de les aider à se renforcer grâce à nos synergies. C’est plus facile de convaincre les collectivités de nous soutenir quand CHU, université et Inserm consentent ensemble à un important effort financier, comme ça s’est fait pour l’institut de recherche en cancérologie ONCOLille − lequel illustre bien l’apport des autres disciplines de l’université (sciences humaines, mathématiques, etc.) aux grands enjeux de santé publique.

En formation, l'unité de formation et de recherche des sciences de santé et du sport (UFR3S), est l’une des plus importantes en France. Nous travaillons constamment ensemble, car nos métiers évoluent très vite, et nous avons besoin d’outils performants comme le centre de simulation Presage, où les étu-diants s’entraînent à exécuter leurs actes. Nous avons aussi lancé un vaste mouvement « d’universitarisation » des formations paramédicales, pour favoriser une culture commune en études de santé et faire progresser les pratiques grâce à la recherche.

Comment va l’hôpital public ?

On entend beaucoup de discours très dramatiques sur son effondrement. Je n'y crois pas du tout, je pense que l’on a tendance à s'auto-flageller, alors qu'on a un outil magnifique que de nombreux pays d'Europe nous envient. Rappelons-le : nous ne sélectionnons pas nos patients, qui accèdent au top de la technologie médicale sans surcoût. Il y a bien sûr des tensions sur les effectifs, mais le soutien public envers le CHU de Lille ne se dément pas, avec un budget qui a augmenté de 500 millions d'euros depuis mon arrivée il y a 8 ans. Nous avons à cœur d’assurer l’avenir, en consacrant une fraction de ce budget à financer la recherche clinique sur les innovations en santé. Cette année, il y a des projets très prometteurs, des innovations en matière de valves cardiaques, la détection génétique de lymphomes, la régénération de peau chez les grands brûlés, etc. Par ailleurs, des projets➋ de grande envergure sont actuellement menés au CHU de Lille, au bénéfice des patients des Hauts-de-France et au-delà. ■

 

➊ Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur

➋ Des projets sur l’imagerie avancée en neurosciences et santé mentale (Arianes), et d’autres sur le pronostic des AVC hémorragiques ou encore la sclérose latérale amyotrophique (RHU Tipich et Secret Gift)

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