À l’IUT, un souffleur de verre
Catégories : Recherche Talents
paru le 30/06/2025 - Mise à jour le 30/06/2025 (18:16)

Rémy Zerouki, verrier, au travail. Les lunettes teintées lui permettent de mieux voir le verre à travers la flamme.
« C’est là qu’on casse » s’amuse Rémy Zerouki, désignant les salles de TP de chimie flambant neuves, dans les couloirs blancs du nouveau bâtiment B8 de l’IUT. Arrivé en septembre 2024, le jeune homme est en effet souffleur de verre au chalumeau, et chargé entres autres de réparer éprouvettes, réfrigérants, réacteurs, et colonnes de Vigreux, qui échappent parfois aux mains des étudiants et se brisent sur le carrelage. Dans une démarche de sobriété, le département de chimie de l’IUT souhaite en effet « réutiliser au maximum ses matériels », indique le chef de département, Florent Réal, et éviter de refaire constamment des commandes coûteuses auprès de sociétés.
L’autre enjeu est de pouvoir faire des pièces sur mesure, « pour la pédagogie d’abord, afin d’imaginer des dispositifs innovants, mais aussi bien sûr en recherche, explique Florent Réal. C’est pourquoi nous avons décidé d’élargir son poste pour qu’il puisse travailler avec tous les laboratoires de l’université ». C’est déjà le cas avec ceux de la faculté des sciences et technologies (FST) à Cité scientifique, comme à l’Ircica, où Rémy Zerouki prépare de quoi tirer des fibres optiques, avec la seule autre souffleuse de verre du campus, Maïa Matsakis de Centrale Lille. Le métier est rare : seules deux formations publiques existent en France. Originaire des Hauts-de-Seine, Rémy Zerouki a fait celle du lycée Dorian, à Paris. Ce fils d’un père chauffagiste et d’une mère laborantine, a l’idée du métier en voyant un documentaire sur un souffleur de verre à la canne (ceux qui piochent du verre dans un four pour ensuite le souffler).
Lui souffle aussi, mais avec un tube en caoutchouc relié à la pièce sur laquelle il travaille. L’air lui sert à gonfler le verre pour lui donner une forme ou répartir son épaisseur. Parfois, il le souffle comme une bulle de chewing-gum, affinant ses parois au point de les retirer d’une pichenette afin de préparer une soudure. L’autre geste de base, c’est tourner : « à une certaine température, le verre coule comme du miel, il faut constamment le tourner pour homogénéiser les parois » montre Rémy Zerouki, avec une dextérité et une rapidité qui laissent pantois. Pour les plus grosses pièces, un imposant tour verrier des années 1960 attend sa remise aux normes. « Vous avez entendu le petit "crac" ? C’est le signe de tensions dans la pièce » pointe-t-il. Les réduire est une préoccupation constante, car elles peuvent entraîner des chocs thermiques. C’est pourquoi il recuit une première fois à la flamme les pièces qu’il travaille pour éliminer les principales tensions, avant de les passer au four à 560° C, afin de les retirer définitivement.
Diplômé en 2019, Rémy Zerouki a d’abord travaillé dans le privé : alimentaire, armement, médecine, verrerie de laboratoire, et pour des maisons de luxe. Il a réalisé notamment de grandes séries, comme des milliers de seringues ou encore un tube calibré au centième de millimètre, destiné notamment au dosage du sucre dans le champagne. Il a également eu l’opportunité de collaborer avec des designers pour créer des pièces en verre, telles que des carafes, des vases et des pendentifs. Mais il avait toujours en tête de travailler dans les laboratoires de recherche. Cette envie lui est venue au fil de ses stages (CNRS de Caen ou Gif-sur-Yvette, Polytech Paris Saclay…) « Je veux partager avec tous le plaisir que cela me procure ! » ■
Réalisation d’une « colonne de Vigreux », pièce destinée à la distillation. L’introduction d’une pointe métallique froide dans le verre chaud crée des tensions que Rémi Zerouki va ensuite supprimer.
