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Drones, bras articulés, voitures intelligentes… : du cancer aux incendies, découverte d’une plateforme de recherche aux enjeux de société des plus actuels.

paru le 14/01/2025 - Mise à jour le 14/01/2025 (14:48)
Une jeune femme avec un casque VR, face à un écran séparé en 2 (vue réelle/virtuelle), avec un volant en-dessous.

Elise, face au « jumeau numérique » de la voiture .

Il crachine… À la grande déception des visiteurs, on ne pourra pas sortir observer la « volière », où peuvent évoluer les drones en toute sécurité. Mais de toute façon, les curiosités ne manquent pas dans la plateforme de robotique et transports intelligents de Lille (Pretil➊) qui ouvre ses portes ce jour-là et présente ses multiples projets.

Intriguées, Elise et Douaa, deux étudiantes en « lettres » et « sciences de l’information et du document », chroniqueuses pour une émission de l’université sur Twitch, sont venues en voisines du campus Pont-de-Bois. « Comme beaucoup d’étudiants, on passe un peu à côté de toute la recherche qui se fait sur nos campus, explique Elise. Et pourtant, ça nous intéresse ! ».

De fait, la plateforme a de sacrés atouts à faire valoir, auprès des industriels, des scientifiques comme du grand public. Juchée dans un cockpit et coiffée d’un casque de réalité virtuelle, Elise en fait l’expérience. Devant elle, un volant tourne… tout seul. C’est le « jumeau numérique » d’une voiture, une « Zoé », en train de rouler à quelques mètres de là, sur les routes du campus. Elle fait partie d’un vaste projet qui s’attache à développer et valider de nouveaux algorithmes de conduite de voitures autonomes. Le jumeau permet de tester des scénarii dans lesquels ont été introduits des obstacles virtuels − arbres, piétons, voiture arrivant à vive allure… − tout en faisant rouler une vraie voiture sur une vraie route, bardée de capteurs qui l’informent en temps réel sur sa position et son environnement.

Mais alors, les passants du campus risquent-ils de voir piler une voiture alors qu’il n’y a rien ? « En quelque sorte, sourit Cindy Cappelle, enseignante-chercheuse au laboratoire CRIStAL. On a besoin d’énormément de données, pour concevoir les algorithmes mais aussi les faire "apprendre" de la réalité du terrain. Et on ne va pas attendre qu’il neige sur le campus pour le simuler ! ». « Certifier un algorithme de navigation autonome basé sur l’intelligence artificielle, renchérit Maan El Badaoui, responsable scientifique de la plateforme Pretil, demande d’atteindre un taux d’erreur d’un milliardième sur 275 millions de kilomètres. C’est pratiquement impossible à atteindre sans faire de simulations. ».

En tout, la plateforme possède trois « Zoé ». Pourquoi plusieurs ? « Parce que c’est l’avenir, explique Maan El Badaoui. Des véhicules qui dialoguent lorsque c’est utile, cela a d’énormes avantages, par exemple pour prévenir d’un accident, résorber les embouteillages… ». Pour PRETIL, cela demande de maintenir plusieurs véhicules lourdement équipés, ce qui n’est pas une mince affaire, « mais heureusement, ils sont très bons ! » se réjouit Maan El Badaoui, désignant ses collègues ingénieurs et techniciens.

«Le dialogue entre les véhicules autonomes peut permettre de résorber les embouteillages »

Maan El Badaoui
responsable scientifique de la plateforme Pretil

Changement de décor, dans une autre salle, avec un sujet plus grave. On y parle du cancer de la prostate, le plus fréquent chez les hommes. Pour éviter une radiothérapie au ciblage trop approximatif, les médecins utilisent une autre technique. Elle consiste à injecter dans la prostate, au moyen de longues aiguilles, de minuscules tubes radioactifs qui irradient la tumeur pendant quelques semaines, avant de s’éteindre. Problème : les aiguilles vont tout droit, quadrillant la prostate et traversant nerfs, vaisseaux, corps caverneux… ce qui génère de fortes douleurs et des séquelles parfois lourdes (impuissance, etc.) En outre, certaines zones sont pratiquement inatteignables. Difficile pour les chirurgiens de procéder autrement, car il faut à tout prix limiter leur irradiation avec la répétition des interventions. « Nous avons développé un robot➋ pour effectuer ces gestes, explique Mario Sanz-Lopez, mécatronicien et ingénieur R&D au laboratoire CRIStAL, que le chirurgien peut actionner à distance, lui permettant d’atteindre l’intégralité de la prostate, de réduire le nombre d’injections, avec une précision − encore améliorable − d’environ 1,5 mm contre 5 mm pour le procédé classique. »

Mais pour cela, il faut que le chirurgien puisse visualiser ce qui se passe. Après des essais avec l’échographie, trop imprécise, l’équipe s’est tournée vers l’IRM, d’où le vaste appareil d’examens devant lequel se tiennent Douaa et Élise. Mais les robots, métalliques, n’apprécient guère le fort champ magnétique de l’IRM… Un problème résolu grâce des moteurs piézo-électriques et des pièces imprimées en 3D. Le projet recourt également à des simulations numériques et à une réplique, sur laquelle le chirurgien peut s’entraîner à manipuler le robot. « L’heure d’IRM coûte environ 800 euros, rappelle Mario Sanz-Lopez. Il serait impossible d’y effectuer la centaine d’heures de formation nécessaire. »

« Le chirurgien peut faire des injections plus précises, sans risquer d’être irradié. »

Mario Sanz-Lopez
mécatronicien et ingénieur R&D, CRIStAL.

Dans le couloir, c’est au tour de Douaa de s’asseoir dans un fauteuil roulant, que l’équipe travaille à rendre autonome. Joystick en main, cette férue d’e-sport ne cache pas son enthousiasme. « C’est trop cool ! J’ai envie de tout faire » s’exclame-t-elle, découvrant une vaste salle remplie de robots et de drones. Le nombre de projets, détaillés alors par Othman Lakhal, enseignant-chercheur en robotique et mécatronique, a de quoi donner le tournis.

Devant lui, une sorte de vasque en béton, un exemple d’une impression en 3D sur laquelle travaille la plateforme. Elle a nécessité la mise en place d’une chambre climatique pour intégrer l’intelligence artificielle, « car en fonction de l’environnement, le béton peut être très fluide et difficile à maîtriser » explique Othman Lakhal. Il y a des drones qui repèrent des fissures dans les murs et d’autres qui les bouchent. Il y a ceux qui vont explorer les canalisations pour détecter les fuites, un « enjeu économique et écologique de plus en plus important » commente Gérald Dherbomez, responsable technique de la plateforme PRETIL.

Mais aussi des systèmes pour ouvrir les coquilles Saint-Jacques avec des ventouses, afin d’éviter aux ouvrières et ouvriers de fréquentes pathologies au pouce. Sans oublier le filetage des poissons, ou encore la cueillette automatisée des champignons➌, « afin qu’ils restent suffisamment présentables pour être vendus », précise Gérald Dherbomez. Ce métier pénible et répétitif connaît, en effet, fréquemment des pénuries de main d’œuvre. Pour finir, un nouveau projet➍, se propose de faire fonctionner une flotte de drones pour patrouiller dans un massif forestier et détecter les incendies. « Elle combinera vraisemblablement des drones de haute altitude, chargés de repérer des points chauds grâce à des caméras thermiques, décrit Cindy Cappelle, et d’autres drones extincteurs pour les petits départs de feu, des robots terrestres, etc. » Au milieu des arbres et des terrains escarpés, certains vont perdre leur signal GPS ou avoir des capteurs défaillants. « L’idée est qu’ils s’auto-organisent et compensent collectivement leurs difficultés, grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle » explique-t-elle.

Bilan ? « Passionnant ! » lancent d’une même voix Élise et Douaa, qui s’enhardissent à discuter des formations − les spécialités de l’école d’ingénieur Polytech Lille➎, ou le master Automatique, robotique➏ ne pourraient-ils pas intéresser le petit frère, passionné d’électronique ? D’autant, témoigne Othman Lakhal, que leurs étudiants y expriment toute leur créativité, promesses d’innovations futures : tri des déchets amélioré, récupération automatique des mégots ou encore application qui traduit la langue des signes française en temps réel… « une bonne idée de start-up ! » ■

➊ PRETIL est l’une des plateformes du centre de recherche en informatique, signal et automatique de Lille (CRIStAL), un laboratoire qui rassemble près de 500 personnes https://cristal.univ-lille.fr/pretil/

➋ Dans le cadre du projet Cobra : cobra-2seas.eu

➌ Une collaboration avec la ferme de la Gontière près de Comines.

➍ Le projet SOS avec la société LynxDrone et le laboratoire CRAN : projet-sos.gitlabpages.univ-lille.fr/site-web/

➎ Notamment « Énergie et industrie du futur » et « Internet des objets et cybersécurité » www.polytech-lille.fr

www.univ-lille.fr/formations/fr-00099314