Comprendre la fibrose, au cœur de nombreuses maladies
Caractérisée par une hyperactivité du système de défense de l’organisme, l’étude des maladies inflammatoires chroniques est la spécialité de l’unité de recherche Infinite¹. Cette dernière vient de recevoir pour trois ans un label très prestigieux, celui de la Fondation pour la recherche médicale. « Il s’agit vraiment d’un label d’excellence : l’appel d’offre est extrêmement compétitif, et le comité de sélection de très haut niveau, souligne le directeur du laboratoire Laurent Dubuquoy. « Il est en outre rare que des équipes travaillant sur les maladies inflammatoires reçoivent ce genre de labellisations », se réjouit David Launay, directeur adjoint du laboratoire et spécialiste de médecine interne.
La FRM distingue les thématiques qu’elle juge importantes et stratégiques pour la recherche médicale dans les années à venir. « Cela nous a poussé à déposer un projet réellement innovant » indique Laurent Dubuquoy. Le projet est en effet original par deux aspects. D’abord, parce qu’il ambitionne d’analyser en même temps plusieurs maladies inflammatoires, qui paraissent pourtant n’avoir pas grand-chose en commun, touchant un organe en particulier ou au contraire tout l’organisme. Il s’agit pour ce projet de la sclérodermie, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et de l’hépatite alcoolique.
Car ces maladies en apparence très différentes ont un point commun, sur lequel a décidé de se focaliser le projet : elles évoluent souvent vers une complication majeure, la fibrose, aux conséquences parfois dramatiques. Elle est en effet à l’origine d’une part importante des décès dans le monde, parce qu’elle peut survenir au cours de nombreuses pathologies courantes (touchant par exemple le cœur, les poumons, le foie, les reins, etc.).
La fibrose est un processus de cicatrisation qui « déraille », en quelque sorte. Quelque part dans l’organisme, une maladie a tendance à détruire du tissu biologique. « Mais le tissu que génère alors l’organisme pour la réparation n’est pas fonctionnel, explique Laurent Dubuquoy. Par conséquent, si la fibrose touche une partie importante d’un organe, alors celui-ci risque de ne plus fonctionner. »
Les équipes scientifiques et médicales connaissent très mal les mécanismes qui régulent la fibrose. Par le passé, la plupart du temps, elles n’abordaient cette dernière que du point de vue de la pathologie particulière où elle survient. « L’intérêt de notre projet va être d’identifier quels sont les mécanismes communs à ces pathologies, et ceux qui les distinguent, expose Laurent Dubuquoy. Pas seulement pour faire progresser les connaissances, mais aussi pour repérer des cibles thérapeutiques à partir desquelles pourront émerger de nouveaux médicaments. »
Pour les maladies inflammatoires, les traitements sont en effet dans une impasse, parce qu’ils ont tendance à ne se focaliser que sur l’initiateur de la fibrose, une inflammation chronique. « Jusqu’ici on avait tendance à ne développer des traitements que pour lutter contre l’inflammation chronique, considérant qu’une fois arrivé au stade de la fibrose, c’était trop tard, explique Laurent Dubuquoy. Mais ces traitements sont rarement curatifs, sans doute parce que la fibrose acquiert rapidement une sorte d’“autonomie” vis-à-vis de l’inflammation qui en est la cause. » D’où l’importance de se pencher sur la fibrose en elle-même, pour démêler ses relations complexes avec régénération des tissus et inflammation, afin d’identifier de nouveaux traitements.