Découverte d’un « Pompéi » marin datant de 515 millions d’années au Maroc

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Des chercheurs du laboratoire d’océanologie et de géosciences (LOG) sont impliqués dans une publication dans la prestigieuse revue Science.

paru le 28/06/2024 - Mise à jour le 03/07/2024 (19:02)

Les volcans situés à la frontière des plaques tectoniques sont connus pour leurs éruptions explosives et de grande ampleur, pouvant générer plusieurs dizaines de km3 de matière. Ces éruptions peuvent piéger quasi-instantanément la vie présente, conservant ainsi sous leurs cendres les témoignages de civilisations entières, comme celles du Santorin et du Vésuve. Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par le professeur Abderrazak El Albani, de l’Université de Poitiers a travaillé sur des dépôts datés de 515 millions d’années. L’équipe comprends aussi des chercheurs de diverses institutions : l’Université de Lille, Université Cadi Ayyad de Marrakech, Natural History Museum London, University Bristol, Pomona College Californie, et New England University en Australie. L’équipe publie dans la revue américaine de référence Science deux nouvelles espèces de trilobites dans un état de conservation exceptionnel. Ces arthropodes fossiles retrouvés pétrifiés dans leur dernière posture sont les représentants d’un écosystème cambrien découvert dans des niveaux de cendres volcaniques à Aït Youb, un « Pompéi » marin, dans la région du Souss-Massa au Maroc. Ce travail est couronné par la couverture du magazine Science.

Apport de l’imagerie 3D pour reconstruire les organismes fossiles figés par les cendres volcaniques

Avec plus de 22 000 espèces découvertes couvrant l’ère paléozoïque (-539 à -252 Ma), les trilobites représentent sans doute les invertébrés fossiles les plus connus. Alors que leur exosquelette en calcite leur confère un fort potentiel de fossilisation, raison de leur abondance dans le registre fossile, leurs appendices non minéralisés et leurs organes internes ne sont connus qu’à travers un nombre limité de spécimens.

À Aït Youb, il y a 515 millions d’années, lors d’une éruption, les organismes vivants présents ont été ensevelis par des nuées ardentes. Les tissus biologiques ont alors été consumés par la chaleur intense, ne laissant que des cavités dans les cendres solidifiées : les moules des organismes.

Grâce à une technique d’imagerie non destructive, la micro-tomographie de rayons X haute résolution (XRµCT), l’équipe de chercheurs a pu étudier en 3D les fossiles marins sans même les extraire de leur gangue rocheuse. En remplissant numériquement les vides laissés par les organismes, ils ont pu créer les moulages des corps disparus avec un niveau de détails saisissant. Cette étude apporte un éclairage inédit sur l’organisation anatomique des trilobites, notamment de la partie céphalique. Particulièrement, elle révèle pour la première fois dans cette classe d’arthropodes fossiles la présence d’un labrum, une pièce buccale molle faisant office de lèvre supérieure chez les euarthropodes actuels, permettant ainsi de clore un débat vieux de plus d’un siècle.

Pour le professeur El Albani : « Cette découverte démontre le rôle essentiel des dépôts subaquatiques de cendres volcaniques pour la préservation des fossiles et l'importance cruciale de l'exploration des environnements sous-marins volcaniques. Elle démontre aussi que la XRµCT est un outil puissant permettant d’observer en 3D des objets fossilisés dans des roches très dures, sans risque de les altérer. Grâce à cette technique, les dépôts pyroclastiques devraient devenir de nouvelles cibles d’études au vu de leur potentiel exceptionnel à piéger et conserver des restes biologiques, même mous, sans générer de dégradation généralement à l’origine de l’incomplétude des spécimens voire de leur destruction. De nouvelles fenêtres s’ouvrent ainsi sur le passé de notre planète. »