Des outils néandertaliens fabriqués à partir d’os de lion des cavernes
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paru le 22/07/2025 - Mise à jour le 23/07/2025 (08:48)

Une étude internationale pilotée par des chercheurs de l’Université de Gand vient de publier en collaboration avec le laboratoire lillois Miniaturisation pour la Synthèse, l’Analyse et la Protéomique (MSAP) une étude révolutionnaire dans la revue Scientific Reports : pour la première fois, des preuves directes montrent que les Néandertaliens ont fabriqué des outils à partir d’os de lion des cavernes (Panthera spelaea).
La découverte a eu lieu dans la célèbre grotte Scladina, située en Wallonie, en Belgique, dans la couche archéologique principale datée de la fin du Pléistocène moyen (environ 130 000 ans avant notre ère). Au cœur de cette couche, les chercheurs ont mis au jour des fragments d’un tibia de lion, intentionnellement façonnés et utilisés d’abord comme ciseau ou outil intermédiaire, puis transformés en retouchoirs servant à la fabrication ou l’entretien d’outils en silex.
« C’est la plus ancienne preuve connue de transformation d’os de lion en outil par les Néandertaliens. Cela démontre leur capacité d’adaptation, leur excellente connaissance des matériaux osseux, de leurs propriétés mécaniques et une complexité comportementale encore sous-estimée », explique Grégory Abrams.
« Grâce à des techniques de pointe en protéomique (ZooMS et LC–MS/MS), nous avons pu confirmer sans ambiguïté l’origine des fragments osseux », précise le Dr. Fabrice Bray, chercheur au MSAP et co-auteur de l’étude. L’analyse tracéologique des outils révèle des marques d’usure spécifiques, montrant une réutilisation réfléchie et séquencée du même os pour plusieurs usages.
En plus d’être totalement uniques, ces artefacts témoignent d’une relation inédite entre l’Homme de Néandertal et les grands prédateurs. Alors que le lion des cavernes est généralement vu comme un concurrent écologique, occupant le sommet de la chaîne trophique, les Néandertaliens les ont non seulement étroitement côtoyés mais ont aussi exploité stratégiquement leurs restes.

« Ces outils révèlent une chaîne opératoire structurée et un choix délibéré des matières premières. Le lion des cavernes n’était pas qu’un danger ou un symbole, mais aussi une ressource de matières premières », ajoute la professeure Isabelle De Groote, co-auteure de l’étude (Université de Gand et Liverpool John Moores University).
La Grotte Scladina, fouillée depuis 1978, continue ainsi de livrer des indices précieux sur les capacités techniques, sociales et cognitives des Néandertaliens. Cette découverte majeure souligne les relations complexes que les Néandertaliens entretenaient avec les grands carnivores comme les ours des cavernes, les hyènes des cavernes et les lions des cavernes. L’utilisation pour différentes tâches des mêmes fragments osseux souligne et précise leur ingénierie.