Le sens de l’accueil

International Accueil

Chaque année, l’opération « Partage ma table » propose aux étudiantes et étudiants internationaux d’être accueillis le temps d’un repas chez des habitants de la métropole lilloise. Retour sur la rencontre, à cette occasion, d’un étudiant africain et d’un couple lillois.

paru le 20/01/2025 - Mise à jour le 20/01/2025 (14:38)
Un homme est assis à table face à un couple, qui l’écoutent, devant des assiettes vides et un saladier.

Thierry, Manon et Joseph

Deux petites filles sont à la porte, intriguées. Ce sont les enfants de Joseph et Manon, un jeune couple habitant le quartier Wazemmes, qui ont invité Sègninkpo Thierry Allotchekpa, étudiant béninois, à partager leur dîner. Ce dernier a déjà un long cursus dans la formation et la documentation derrière lui, dans son pays d'origine. Brillant diplômé de l'École nationale d'administration et de magistrature du Bénin, il est venu en France pour obtenir une spécialisation nécessaire à son parcours, le master Gestion de l'information et du document en entreprise (Gide).

Affable, les yeux rieurs, il le confirme volontiers : « je me fais rapidement beaucoup d'amis ! ». Curieux de tout, il a déjà « profité de son abonnement Ilevia pour découvrir la métropole », participé aux visites de Lille à vélo organisées par la direction des relations internationales, et se prépare à aller écouter un des concerts offerts aux étudiants.

Épaulé par « l'importante » communauté béninoise de Lille, il se trouve bien en peine de raconter une quelconque difficulté à s'intégrer, exceptée la perspective de devoir renouveler son visa pour l’année prochaine et un peu de difficulté à trouver un job étudiant. Ce qu'il a réussi à faire, ce père de famille se transformant en auxiliaire de vie plusieurs soirs de la semaine et certains week-ends. Des tâches parfois difficiles, que ce croyant prend avec recul : « En France, personne n'a le temps pour personne, ce qui est différent chez nous où l’on peut rester au milieu des siens. Soutenir ces gens incapables de s'occuper d'eux, c'est une grâce, un petit service à l'humanité. »

Des préoccupations qui rencontrent un écho chez ses hôtes Manon et Joseph, ingénieurs et aumôniers universitaires habitués de l'opération Partage ma table, qui ouvrent volontiers leur porte à d’autres occasions comme Noël. « Pour les étrangers qui arrivent en France, explique Joseph, il y a souvent un choc culturel et le besoin d'un foyer chaleureux. C’est cela que nous voulons être, un point de repère, un havre de paix. »

Ils nouent parfois des relations de plus long terme avec les étudiants rencontrés par ce biais, comme Nabiullah, un Afghan aujourd’hui dans leur quartier, arrivé en France après un long parcours à travers l'Eurasie et « fortement ému en voyant notre fille, qui lui rappelait sa sœur restée sur place. » Le couple s’est rencontré à Montpellier, et a fini après plusieurs étapes par s'installer dans le Nord, dont ils louent le sens de l’accueil et où Manon avait terminé ses études, à Polytech Lille, quelques années plus tôt. Après une interruption où tous deux ont suivi des études de théologie, Joseph a repris un travail, actuellement sur les opérations immobilières à Marcq-en-Barœul.

Les filles couchées, vient le moment du repas. Après de délicieuses lasagnes, plat universel, arrive le plateau de fromage, où aux côtés d'un roquefort arrivé directement de Millau, dont Joseph est originaire, trône un maroilles. Tout en goûtant poliment à cet incontournable de la gastronomie nordiste, Thierry évoque celle de son pays, très diverse entre Nord et Sud avec le wangachi, un fromage qu'on peut faire frire, la pâte de maïs, l’igname pilée, ou encore la sauce d’épinards manh. Puis la conversation se poursuit gaiement, évoquant les relations du Bénin avec la France, et le mode de colonisation différent vécu dans les pays anglophones, comme chez le voisin nigérian. Un moment de partage, simple, chaleureux et toujours précieux. ■