Une image à redorer auprès des étudiants

Développement territorial Dynamisme de la formation

Beaucoup des formations aux métiers industriels peinent à remplir leurs effectifs. En cause : de nombreuses idées reçues…

paru le 17/01/2025 - Mise à jour le 17/01/2025 (13:32)

Des formations qui ne font pas le plein. « Dans tout le réseau des écoles Polytech, nous observons le même phénomène, explique Dorothée Bernard, directrice des relations entreprises à Polytech Lille. Autant nous n’avons aucune difficulté à faire venir des étudiants sur l'informatique ou les data, autant dès qu'on se rapproche du hardware, de l'électrique, etc. c'est beaucoup plus difficile. » Côté IUT, même son de cloche selon Mathieu Beaucamp, avec des formations par alternance qui « ne font malheureusement pas toujours le plein ». En toile de fond, la désaffection pour les filières scientifiques et techniques qui s'aggrave, selon différents indicateurs (nombre de bacs scientifiques, inscrits en première année de cycle d’ingénieur…).

« La fonction de technicien supérieur pâtit un peu de la concurrence du diplôme d'ingénieur, dont les formations en alternance ont connu une véritable explosion depuis quelques décennies », explique Mathieu Beaucamp. Pour attirer, certaines entreprises ont peut-être facilité un peu trop le passage de technicien à ingénieur en interne, tandis que l’image du bac+3, supposé moins favorable à l’insertion professionnelle qu'un bac+5, joue aussi. « En IUT, selon les départements, ce sont 25 à 70% de nos diplômés qui poursuivent en master ou en école d'ingénieur », reprend Mathieu Beaucamp.

Au-delà des diplômes, c'est tout un secteur qui souffre des mauvais souvenirs laissés par la désindustrialisation dans le Nord, et d’une image restée figée au XXe siècle. Car ces nouvelles industries n’ont franchement plus rien à voir avec les fabriques d’antan. « Dans les gigafactories, on est plutôt dans le domaine de la salle blanche, des atmosphères contrôlées, de l’automatisation et d’une grande densité d'emplois, qualifiés et diversifiés », décrit Mathieu Beaucamp. L'image de pénibilité du travail en usine a elle aussi vécu. « L'ergonomie du poste de travail est essentielle et examinée avec soin », signale Agnès Abt, responsable relations entreprises à Polytech Lille, citant le cas d’une usine où l'on n'a pas hésité à excaver le sol sous une ligne de production pour éviter qu'un opérateur ait mal au dos. L'industrie, ce sont des réalisations parfois gigantesques et fascinantes, et c'est aussi du concret : on voit ses réalisations et ça donne du sens à son métier. » « On ne s’enferme pas dans l’industrie, abonde Dorothée Bernard, dont le taux de placement d’ingénieur en sortie de Polytech Lille est de 95 %, il est beaucoup plus facile de passer ensuite à des fonctions plus commerciales que l’inverse. »

Alors qu'est-ce qui marche, auprès des étudiants ? Tout ce qui peut leur permettre de voir et d’expérimenter concrètement : des visites d'usine, des rencontres… « Verkor l’a compris et se déplace beaucoup dans les lycées et les IUT, raconte Mathieu Beaucamp. Ils ont aussi développé un jeu de société qui présente les différents métiers de gigafactories. » Les rencontres avec les jeunes diplômés récemment en poste, sont souvent très efficaces pour permettre de se projeter et déjouer les préjugés, y compris chez les parents. « Au niveau de l'orientation, indique Dorothée Bernard, on a la chance d'avoir un parcours post-bac, avec des élèves qu'on a sous la main et auxquels on peut faire expérimenter ces différents métiers avant qu’ils ne choisissent leur spécialité. »

« Il ne faut pas négliger non plus l'importance des idées reçues, insiste Mathieu Beaucamp, qui jugent, par exemple que le bilan carbone des voitures électriques n'est pas si bon, qu'on fait venir des minerais de très loin, etc. Il faut vraiment montrer qu’un véhicule électrique a un bilan meilleur que son équivalent thermique dès 30 000 km, que produire localement des batteries l’améliore, et qu’on n’utilise dans une batterie que quelques kg de cobalt pour l’une des principales technologies (NMC) et rien du tout dans l’autre (LFP). » ■